samedi 23 février 2008

Cinémusicales au MK2 Bibliothèque




Samedi 5 avril 2008 à 11h00 au MK2 Bibliothèque
(128-162 av. de France 75013 Paris,M° Bibliothèque F. Mitterrand)
Projection de :
ALI FARKA TOURE
LE MIEL N'EST JAMAIS BON DANS UNE SEULE BOUCHE
de Marc Huraux (2002)

Séance en présence du réalisateur et de David Commeillas, rédacteur en chef-adjoint du trimestriel Musiq
Ali Ibrahim Touré est né en 1939 au Mali. Il a perdu son père tout bébé. C'est un enfant très résistant, ce qui lui vaut le surnom de Farka, c'est à dire "âne", symbole de la force physique. Bien qu'il n'aille pas à l'école, il se passionne pour la musique. En 1956, il assiste au concert de Guinéen Fodeba Keita et c'est la révélation. Dans le dispensaire pour lequel il travaille, il emprunte une guitare à un infirmier puis se lance dans la composition à partir de musiques traditionnelles. Sa rencontre avec Amadou Hampaté Bâ est déterminante pour tout ce qui concerne l'écriture.Ali Farka Touré devient un musicien professionnel lors de l'indépendance du Mali en 1960. il fait partie d'un groupe avec lequel il part en tournée. Puis il intègre Radio Mali. Il découvre la musique noire américaine et il se lance enfin dans une carrière solo. Marc Huraux nous raconte ce parcours hors du commun. Totalement autodidacte, Ali Farka Touré est devenu une légende, une référence de la musique en Afrique. Ali Farka Touré est décédé le 7 mars 2006 à l'âge de 67 ans.
Féru de musique, Marc Huraux (né en 1954 à Paris) fait ses classes à l'Idhec et signe plusieurs documentaires sur le monde musical qu'il affectionne. C'est le cas en 1986 lorsqu'il co-réalise avec Francois Migeat Batouka 86 durant un festival de percussions en Guadeloupe, en 1987 quand il signe le portrait du saxophoniste Charlie Parker dans Bird Now évoquant ainsi l'expérience des artistes noirs dans les années quarante, ou encore en 1989 dans Check the changes où il explore les scènes éclatées du jazz des années Reagan à New-York. En 2007, il réalise pour la chaîne Arte Turn me on-1967 Paroles et Musiques : la balade libre et subjective d'un ex-adolescent des sixties à travers l'année 1967 et la contre-culture américaine. Un film hypnotique, vibrant d'utopie et de musique, nourri d'archives underground et de témoignages.Son travail documentaire ne se cantonne pas au domaine de la musique. Il investit également des thèmes aussi variés que La Fabrique du corps humain (1992) ou l'histoire d'alliance et de rivalité entre la religion et la médecine ou encore Vincent Van Gogh : un autodidacte et ses maîtres (1998). Construit comme le portrait de la terre qui a nourri le musicien, le tableau d’un lieu ancestral où cohabitent différents peuples de la boucle du Niger, le documentaire de Marc Huraux est un bijou; parce qu’il montre un vrai regard d’auteur, par le biais d’images très travaillées, et parce qu’il réussit à capter l’essence d’un homme et d’un lieu, dans leur vérité.Marc Huraux est un habitué du film documentaire musical. Réalisateur en 1987 de Bird Now, sur l’expérience des artistes noirs des années quarante autour de Charlie Parker, puis en 1989 de Check the Changes, voyage sur les scènes de jazz dans Manhattan, Brooklyn, le Bronx pendant les années Reagan, ses films possèdent une vraie marque de fabrique: la capacité d’inscrire un musicien dans les lieux emblématiques de sa vie personnelle et artistique.Et c’est bien de ça qu’il s’agit avec son film autour de la figure d’Ali Farka Touré, un film sur le «décentremement», explique-t-il en citant le musicien malien: «Vous me dites que le centre du monde est à Paris ou à New York... Je ne suis pas d’accord! Il passe exactement au centre de ma région, le pays des génies, le berceau de la musique que vous, vous appelez «blues», mais qui existe depuis des milliers d’années chez nous... C’est moi qui suis au centre, et vous, vous êtes à la périphérie...». «Vous», c’est-à-dire nous, depuis notre occident, qui avons collé à Touré l’étiquette de «celui qui n’est pas venu vivre en Occident», comme si le succès devait nécessairement amener l’exode. Mais Ali Farka Touré est un enfant de Niafunké, au Sud-Ouest de Tombouctou, sur les rives de l’immense fleuve Niger. Niafunké, quelques 10 000 habitants, était le grenier à miel du Mali, du temps de l’empire de Gao et de la splendeur de Tombouctou. Issu d’une famille noble de culture Songhay, Ali Farka Touré n’était pas destiné à devenir musicien, n’étant pas issu d’une famille de griots. Autodidacte, grand connaisseur de toutes les traditions de sa région, et notamment des génies de l’eau, qui rythment le quotidien des habitants, Ali Farka Touré est toujours resté cultivateur, tout comme son compatriote Salif Keita, qui a annoncé récemment se retirer de la scène musicale pour se consacrer à ses cultures.En 2004, Martin Scorsese le filme dans From Mali to Mississipi; c’est dans les années soixante-dix qu’Ali Farka Touré découvre le blues américain, et sa filiation avec toutes les traditions musicales du Nord-Ouest du Mali. Son répertoire comprend onze langues différentes, surtout en songhay et en peul, mais aussi en bambara, en dogon, en bozo, en tamashek. Un homme profondément enraciné dans sa terre, qui contribue à l’autosuffisance alimentaire de son village, Niafunké, où il enregistra l’album éponyme en 1999. La grande réussite du film de Marc Huraux réside dans sa capacité à capter l’essence de l’homme au sein même de son lieu de vie; le propos du réalisateur n’est pas de brosser un portrait distancé du musicien, mais bien de capter la profondeur d’une vie, plus que de juxtaposer des événements biographiques. Le documentaire comprend peu de commentaires, laissant plutôt la parole à Ali, intarissable sur les djimballas, les génies du fleuve Niger, et la place à la musique qui, en partie intégrante de la vie, est une véritable philosophie. «Pour lui, explique Marc Huraux, la musique véhicule des sentiments nobles. C’est une culture très ancienne, reliée à tous les aspects de la vie. C’est le contraire de «l’entertainment».Pour rendre cette vérité - car le but d’un documentaire est bien de nous faire toucher une authenticité, une réalité sensible - Marc Huraux travaille le son avec toutes ses aspérités: en gardant des passages live de concerts donnés dans les villes et villages, en enregistrant des morceaux dans le studio de Niafunké, doté d’un écho naturel un peu sourd et ouvert aux vents. Il ne s’agissait pas de «faire joli» mais de faire authentique, encore une fois.Avec ce parti pris sur le son, affleure sur l’écran toute la sensibilité d’Ali Touré, surnom «Farka», le résistant (il est le dixième fils d’une lignée dont les neuf précédents n’ont pas survécu). Une sensibilité, mais aussi une émotion, qui confère au documentaire la qualité d’un vrai film de cinéma, et pas seulement d’un reportage distillant des informations plus ou moins brutes. Il n’est que de s’attarder sur l’une des plus belles scènes du film: Marc Huraux sort de sa valise un très vieux 33 tours d’Otis Redding, et passe Try a Little Tenderness dans un café où sont réunis hommes et femmes, jeunes et vieux, autour d’Ali. D’abord très lents, très blues, très doux, la voix et le rythme s’accélèrent ensuite, tandis que Marc Huraux capte les visages, le regard, les sourires qui deviennent rires et les pieds qui se mettent à marquer le rythme. Ali Farka Touré rayonne, son émotion transperce l’écran. Un musicien qui possède une connexion presque mystique avec son art, ne pouvait que le transmettre avec autant d’amour au monde entier.Autre très grande qualité du film, la beauté de ses images, dans une mise en scène tout entière tournée vers le majestueux fleuve Niger: gros plan sur l’eau, captation du mouvement, des vagues comme du calme, clapotis, plans resserrés de très près sur la matière, jusqu’à former un tableau abstrait, jeux des silhouettes qui se dessinent, en ombre au soleil couchant, sur leurs pirogues, focalisation sur les musiciens chantant dans la pirogue, musique et eau se confondant.Aujourd’hui, Le Miel n’est jamais bon dans une seule bouche résonne plus que jamais comme un hommage au musicien disparu. Une vraie beauté, des paysages, des hommes, de ce que le cinéma peut restituer.
Sarah Elkaïm
www.critikart.com
Ali Farka Touré - Le Miel n’est jamais bon dans une seule bouche (France/Mali, 2002). Durée: 93 minutes. Réalisation: Marc Huraux. Image: Jean-Michel Humeau, Marc Huraux. Prise de son et mixage: Julien Cloquet. Montage: Marc Huraux avec Sandie Bompar. Conseiller musical: Xavier Lemettre. Direction de production: Annick Colomes, Bernard Berge, en association avec Canal Horizons et RM Associates avec la participation du CNC, du ministère de la culture, du ministère des affaires étrangères, de la Sacem, et avec le soutien de la Procirep. Producteur: Serge Lalou. Une co-production: Les films d’ici, Arte France, Paris Première, World Circuit Ltd. Interprétation: Ali Farka Touré, Affel Bocoum, Oumar Touré, Hamma Sankaré, Souleyman Kané, Samba Touré, Oumar Diallo Barou, Diénéba Dokouré, Concano Yatara, Yoro Cissé.

mardi 12 février 2008

Cinéma : cycle Les années psychédéliques




L'association Cinéma et Musiques présente
Mercredi 2 avril 2008 à partir de 17 H 30
dans le cadre des Mercredis du Cinéma
le cycle : Les années psychédéliques
2 films au même programme.
Entrée libre

Lieu :
Amphi 11E (3ème étage) - Halle aux Farines,
Université Paris Diderot-Paris 7
16, rue Françoise Dolto 75013 Paris (M° Bibliothèque François Mitterrand)


* Psych-Out. Un film de Richard Rush (1968), vostf, couleurs, avec Jack Nicholson, Bruce Dern, Susan Strasberg, The Seeds, The Strawberry Alarm Clock
Un an après The Trip, signé Roger Corman et distribué par AIP, Jack Nicholson eut l'idée de poursuivre dans la veine du film psychédélique en signant un nouveau scénario, cette fois confié au réalisateur Richard Rush (qui plus de 20 ans plus tard réalisera le sulfureux Color of Night avec Bruce Willis). Le script de Nicholson, jugé trop expérimental, et donc certainement tout aussi déstabilisateur que le film de Corman, fut remanié par les pontes d'AIP, probablement échaudés par leur expérience précédente, avec un réalisateur se défonçant au LSD dans le but avoué de mieux cerner son film.Total : l'intrigue se fit plus linéaire et Nicholson ne fut pas crédité au scénario. Ce qui ne l'empêcha pas de jouer dans ce film, nommé Psych-Out, en compagnie des autres rescapés de The Trip que furent la belle Susan Strasberg et le talentueux Bruce Dern.L'histoire est fort simple : Jenny (Strasberg), jeune femme sourde, a fugué de chez elle pour aller rejoindre son frère à San Francisco en pleine période psychédélique. Sur place, elle constate que son frère n'est plus à l'adresse prévue, et tentera de le retrouver avec l'aide d'une bande de musiciens hippies dirigée par Stoney (Nicholson).Et c'est donc parti pour 1h25 de délires psychédéliques en continu. Tout y passe : image kaléidoscopique, flous, éclairages aussi bariolés que les décors et que les costumes, séquences d'hallucinations... Des effets de style bien entendu très kitsch, mais pourtant pas désagréables. Principalement les hallucinations, très beaux moments d' onirisme faisant plonger le film dans une ambiance fantastique (les murs qui se mettent à fumer, la fille se noyant dans une piscine en flammes) voire horrifique (ce pauvre bougre qui sous l'influence du LSD voit ses amis sous forme de morts-vivants avant de remarquer que lui-même est en train de pourrir).Bien sûr, nous avons également droit à des scènes musicales, généralement des grands solos de guitare joués par Nicholson (?) dans des boites de nuit tout ce qu'il y a de plus 60's. Pourtant, elles ne sont pas gratuites : Stoney va ainsi connaître le succès, ce qui amène de profonds débats sur l'idéal hippie : doit-il faire passer le succès avant ses idéaux et donc intégrer une société qu'en principe il rejette ? Une problématique très ancrée dans le contexte de réalisation du film, et qui ne trouve plus guère d'écho aujourd'hui, tant les mouvements marginaux se révèlent bien moins développés que ne l'était le psychédélisme à l'époque, sans compter leur finalité forcément différente.Derrière ce questionnement existentiel finalement seulement effleuré se trouve aussi une description relativement minutieuse de la vie en communauté hippie, et sa perception par un personnage (celui de Strasberg) qui n'est au début pas hippie. Appartements bondés de gens dormant un peu partout, vie oisive, drogues à tout va, humour très particulier (un enterrement qui tourne à la fête), conception philosophique de l'art (le domaine le plus important dans la vie des hippies du film), bref, de quoi décontenancer l'héroine. C'est une véritable introduction à la vie hippie qui lui est présentée, à elle mais aussi aux spectateurs.Bien sûr, les rires pourront fuser de la part de spectateurs modernes que nous sommes, mais bon, l'optique du film n'était assurément pas de transmettre une idéologie, mais davantage de la faire découvrir sous forme d'une docu-fiction adressée à la population de l'époque. Les relations entre personnages sont également abordées, et à travers elles sera abordé un autre questionnement idéologique : celui des sentiments amoureux. Liberté sexuelle ou jalousie ? Stoney sera tiraillé entre ses opinions personnelles et les conseils de ses amis hippies. Là encore, pas véritablement de réponse...Psych-Out est donc un véritable film d'exploitation, clairement adressé à un jeune public d'une époque donnée. Evidemment, ce n'est pas un chef d'oeuvre, mais ce que le film a perdu en crédibilité au fil des années, il l'a regagné grâce au décalage et à la curiosité vis-à -vis d'une époque toujours très réputée mais qui commence à se faire sérieusement distante...
Psychovision
* Zachariah .Un film de George Englund (1970), vostf, couleurs, avec Don Johnson, Country Joe and the Fish, The James Gang, Elvin Jones
Certains films empruntent à l'art de la réception chic. On invite des musiciens de renom : Country Joe and the Fish, le batteur de Coltrane Elvin Jones, The James Gang, Doug Kershaw, quelques comédiens dont Pat Quinn, qui venait d'avoir le rôle principal dans Alice's Restaurant, le fils d'Arthur Rubinstein, John. Le maître des cérémonies avait aussi voulu pimenter la soirée en invitant le Firesign Theatre, une bande d'humoristes qui navigue entre Zappa, les Fugs et Woody Allen, ainsi que le discret Joe Massot, metteur en scène du méconnu Wonderwall. Voilà . On a construit une vague histoire convoquant les personnages de la Bible _ Cain, Zachariah, Matthieu _, et on les a placés dans l'Ouest. Cela donne un cocktail curieux : le premier western électrique qui aurait besoin de béquilles pour marcher.
Jonathan Farren, Ciné-Rock, Albin Michel, 1979