jeudi 26 juillet 2007

FEUILLETON DE L'ETE 7ème épisode


Le texte ci-après est extrait d'une contribution de Gilles Pidard à paraître en septembre 2007 dans l'ouvrage collectif La Télévision des Trente Glorieuses, culture, politique, société (1945-1975), dir. par Evelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy, CNRS Editions.

Vers une télé pop?
" Après le fameux "Bouton rouge", décédé en mai 68, et l'excellent "Forum Musique", tué par les Mothers, l'ORTF nous propose "Pop 2". (...) Souhaitons que l'ORTF, suivant son habitude, ne supprime pas l'émission au moment même où elle réunit toutes les chances de succès".[1] Comme à son habitude, l'ORTF saborde l'émission en 1973 au prétexte que l'audience n'est plus au rendez-vous.
La deuxième moitié des seventies verra Arnaud Leys lancer Melody en 1974 sur FR3, au moment où Freddy Hausser, ex-grand reporter dégoûté de la guerre, démarre Juke Box sur A2[2]. Antoine de Caunes, fils de la première speakerine de l’ORTF Jacqueline Joubert et du grand reporter Georges de Caunes propose Chorus en 1978. Produite et un temps présentée par Patrice Blanc-Francard, l'émission impose à son tour un ton nouveau avec ses "37 minutes de musique live" filmées à l’Empire et diffusées le dimanche midi . Les Enfants du Rock ne sont pas loin qui déboulent en janvier 1982 sous la houlette de Pierre Lescure et Patrice Blanc-Francard, dernier sursaut du rock sur la télévision publique [3]. Puis L'Echo des bananes quelques mois sur FR3 (1982-83). Les deux décennies suivantes voient la quasi disparition des émissions musicales consacrées au rock[4], mais aussi au jazz et d'une façon générale de toutes les musiques un tant soit peu rythmées, sur les chaînes publiques. Supplantées par les clips et la "staracadémisation" des variétés musicales, la création en matière de rock télévisuel se réfugie un temps sur le câble (Philippe Manoeuvre sur Canal Jimmy) pour disparaître à son tour.
Les tentatives de conjuguer rock et télévision furent nombreuses, mais bien souvent éphémères, victimes de la censure d'un pouvoir rétrograde parfois, soumises à la médiocrité des décideurs culturels souvent[5].
Malgré tout, de l'ancêtre Age tendre et Tête de bois, animée par le pionnier Albert Raisner, chantre d'une France des "copains" aux tentatives innovatrices de Bouton Rouge et Pop2 , la télévision publique aura su présenter aux jeunes avides de découvertes le plus beau catalogue de la production musicale de ces années-là, tout en permettant à de nouveaux talents, journalistes et réalisateurs d'oeuvrer pour la cause du Pop.


Bibliographie :
* Les variétés à la télévision, 1998, Dossiers de l'audiovisuel, Paris, INA/La Documentation française.
* Bel, Jean-Marc, 2004 (1ère éd. 1994), En route vers Woodstock. De Kerouac à Dylan, la longue marche des babyboomers, Paris, Balland.
* Bizot, Jean-François, 2001, Underground, l'histoire, Paris, Actuel/Denoël
* Bosséno, Christian, 1987, 200 téléastes français, CinémAction hors série, Paris, Corlet-Télérama.
* Bouyxou, Jean-Pierre et Delannoy Pierre, 2004 (1ère éd. 1992), L'Aventure hippie, Paris, 10/18
* Coghe, Jean-Noël, 2001, Autant en emporte le rock..., Bordeaux, EPM/Le Castor Astral.
* Daufouy, Philippe et Sarton, Jean-Pierre, 1972, Pop music/rock, Paris, Editions Champ Libre.
* Gervereau, Laurent et Mellor, David (sous la dir.), 1996, Les sixties. Années utopies, Paris, Somogy éditions d'art.
* Jouffa, François, 1994, La culture pop des années 70. Le pop-notes de François Jouffa, Paris, Spengler.
* Jouffa, François, 2003, Pop Culture. Interviews et reportages de François Jouffa 1964-1970, Paris, Frémeaux & Associés, CD.
* Koechlin, Philippe, 2007 (1ère éd. 1992, Mentha), Mémoires de Rock et de Folk, Paris, Le Castor Astral.
* Sirinelli, Jean-François et Rioux, Jean-Pierre (sous la dir.), 2002, La culture de masse en France de la Belle Epoque à aujourd’hui, Paris, Fayard.
* Sirinelli, Jean-François, 2003, Les baby-boomers. Une génération 1945-1969, Paris, Fayard.
* Sohn, Anne-Marie, 2001, Age tendre et tête de bois. Histoire des jeunes des années 1960, Paris, Hachette Littératures.
* Verlant, Gilles (sous la dir.), 2000, Le Rock et la Plume. Une histoire du rock par les meilleurs journalistes français 1960-1975, Paris, Editions Hors Collection.

Sans les mentionner, on ne saurait malgré tout oublier les ouvrages essentiels à la compréhension de l'histoire du rock que sont ceux de Lester Bangs, Greil Marcus, Peter Guralnick, Nick Tosches et Alain Dister notamment, ainsi que les études détaillées parues dans Record Collector et Juke Box Magazine.
Quant aux collections de périodiques Rock & Folk, Best, Pop Music et Extra, leurs lectures relèvent autant des sources que de la bibliographie.

[1] Rock & Folk, juillet 1970, cité in Mémoires de rock et de folk, op. cit., p. 62.
[2] L’émission est un temps hébergée par "Un jour futur", vaste fourre-tout de la contre-culture que Michel Lancelot anime sur A2 à partir de 1975.
[3] "L'émission passait en deuxième partie de soirée, mais les moyens dont nous disposions nous ont permis d'utiliser notre intuition pour modifier sans cesse la vitrine et garder le public, tout en le respectant. La télévision publique à son meilleur moment!", Patrice Blanc-Francard, Chroniques de la BNF, n°27, 2004, p.11.
[4] Mentionnons Taratata produite par Nagui sur France 2 (1993-97), puis France 4 (avril 2005) et Trafic.musique présentée par Guillaume Durand (2003-06) sur France 2.
[5] Le débat n'est pas clos! cf l'éditorial de P. Manoeuvre : "Encore un effort, Monsieur le Ministre (pour être rock'n'roll)", p. 3 et Jérôme Reijasse, "Rock et TV-Le grand Fuck Off", p.58-62 Rock & Folk, n°452, 2005, ainsi qu’Arnaud Viviant, "Les Parents du Rock", Les Inrockuptibles, n°487, 2005, p. 86-88.

FEUILLETON DE L'ETE 6ème épisode

Le texte ci-après est extrait d'une contribution de Gilles Pidard à paraître en septembre 2007 dans l'ouvrage collectif La Télévision des Trente Glorieuses, culture, politique, société (1945-1975), dir. par Evelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy, CNRS Editions.
" Bonjour, c'est Pop 2..."
C'est par cette phrase rituelle prononcée par Patrice Blanc-Francard que démarre invariablement chaque numéro de cette émission qui demeurera la plus remarquable de toutes celles consacrées au rock, tant par sa durée (d'avril 1970 à décembre 1973) que par la qualité et la diversité des musiciens présentés.
Produite par Maurice Dumay, ancien chef des programmes d'Europe 1, réalisée principalement par Claude Ventura [1]qui exercera également la fonction de producteur.
Patrice Blanc-Francard, animateur de Pop 2, débute comme preneur de son à France Inter, puis devient assistant et programmateur musical au Pop Club en 1969, et le reste jusqu'en 1973. Simultanément critique de jazz et conseiller artistique d'un éditeur de disques, il collabore aussi à Rock & Folk. Après le Pop Club, il coproduit avec Claude Villers "Pas de panique" dès octobre 1973 et produit lui-même "Cool" avec Bernard Lenoir (autre transfuge du Pop Club), émission destinée à refléter l'émergence de la disco et de la soul music. Avec le même, il crée Souvenir Souvenir qui propose en 1974 de diffuser des "vieux" tubes de rock et de pop. Puis ce sera Bananas consacrée aux musiques tropicales, pendant deux ans. Il fait plusieurs émissions autres émissions avec Claude Villers (Marche ou rêve) et de 1982 à 1986, il est adjoint au directeur de France Inter pour les programmes musicaux, puis directeur des programmes d'Europe 1 (1988-95). Il se consacre ensuite à la production audiovisuelle du groupe. Il est actuellement vice-président de Disney Télévision France.
La première de Pop 2 a lieu le 30 avril 1970 avec la diffusion d'un concert de Soft Machine enregistré le mois précédent au Théâtre de la Musique de Paris. José Artur est venu parrainer l'émission, mais Patrice Blanc-Francard restera l'unique présentateur par la suite.
Programmée tous les quinze jours sur la 2ème chaîne[2], l'émission démarre toujours par une séquence filmée dans un endroit insolite (usine désaffectée, voie de chemin de fer, périphérique, etc) au cours de laquelle Blanc-Francard annonce le programme, suit une séquence relativement courte qui peut être soit un document acheté à une chaîne étrangère, soit un extrait de concert filmé par l'ORTF, puis c'est la revue de presse, critique de disques, annonce des concerts à venir, un court reportage (portrait d'un dessinateur de BD, interviews des membres d'Actuel ou d'un libraire à propos de la contre-culture), chaque séquence étant souvent émaillée par des photos et annoncée par un banc-titre, clin d'oeil à Cinq colonnes à la une. La dernière partie (la plus longue, de 20 à 30 minutes) reste consacrée au concert filmé principalement à la Taverne de l'Olympia et au Bataclan à Paris et entrecoupé de dialogues avec les musiciens.
Comme pour Tous en scène, les caméras investissent la scène, multiplient les contre-jours (plans fameux de guitaristes sur halo lumineux), pratiquent de longs plans-séquences, mais le travail au montage reste important.
La liste des artistes proposés par Pop 2 reflète parfaitement l'éclectisme des goûts musicaux de leurs auteurs (de Zappa à Pink Floyd en passant par Rory Gallagher, Family, Jean-Luc Ponty, Magma, Zoo, Poco, Velvet Underground). Maurice Dumay s'explique sur les choix de l'équipe: " La Pop music dite de recherche est évidemment la plus intéressante, mais il faut aussi tenir compte des impératifs tels que la venue de vedettes en France. Le fait qu'elles nous donnent ou non l'autorisation de les filmer et enfin le cachet qu'elles nous demandent."[3] La presse d'alors se félicite " que la télévision française ait accepté de programmer une émission 100 % pop. A l'heure où l'on a fait tout ce qu'il était possible pour boycotter le Festival d'Aix; à l'heure où la TV elle-même refuse à Dumay l'autorisation de filmer le Festival d'Aix(...)".[4]
L'hebdomadaire Pop Music se réjouit du succès de l'émission et annonce fièrement en une "Vers une télé pop (…) : le déplacement de "Pop 2", devenu hebdomadaire et ce à une heure d'écoute beaucoup plus forte _ le samedi à 18h30 _ est un fait marquant dans la politique récente de l'ORTF. Il semble tout à coup que la Pop Music se soit démocratisée. Après le patient travail d'Albert Raisner étiré sur des années, la victoire (c'en est une) remportée par "Pop 2" est capitale. A la suite de cette émission, devenue émission-pilote, et devant le succès qu'elle a rencontré, nous verrons dans les mois prochains de plus en plus de vedettes pop à l'ORTF (...)."[5]
[1] D'autres réalisateurs feront également leurs armes : Michel Hermant , assistant d'Averty; Michel Pamart qui travaillera sur Bande à part, La vie filmée et Cinéma, cinémas; Pierre Desfons.
[2] Les concerts des Moody Blues (The lost performance live in Paris'70, Inspire Music, 2004) et des Four Tops (Kultur, 2004) sont disponibles en DVD.
[3] "A la T.V. tout n'est pas perdu pour la pop", Clark Kent dans Pop Music, 20/8/1970
[4] Pop Music, op. cit.
[5] n° 29 du 15/10/1970.

FEUILLETON DE L'ETE 5ème épisode

Le texte ci-après est extrait d'une contribution de Gilles Pidard à paraître en septembre 2007 dans l'ouvrage collectif La Télévision des Trente Glorieuses, culture, politique, société (1945-1975), dir. par Evelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy, CNRS Editions.
Deux tentatives avortées
Pour succéder à Tête de bois, devenue désuète en cette rentrée 68, l'ORTF, par le biais de Jean-Emile Jeannesson et Michel Péricard, concepteurs de "soirées jeunesse", proposent à Pierre-André Boutang, qui a collaboré à Dim, Dam, Dom et sera le futur producteur du magazine culturel Océaniques sur FR3 dans les années 1980, ainsi qu'à Philippe Collin , réalisateur, critique de cinéma à Elle et au Masque et la plume, de produire une nouvelle émission musicale pour le jeunes. Ceux-ci ont l'intelligence d'en confier la présentation à l'équipe de Rock & Folk, chapeautée par son rédacteur en chef Philippe Koechlin, Raoul Sangla assurant la réalisation.
Forum Musiques est diffusée en direct sur la 1ère chaîne le mercredi 23 octobre 1968 à 20h35, coincée entre les Shadoks et un Cartes sur tables consacré au budget 1969 (!)
Le programme, conçu par une équipe avide de découvertes, est des plus audacieux. Michel Polnareff ouvre le bal avec une mini-symphonie, s'ensuivent les Mothers of Invention et leur rock iconoclaste, un ballet jazz sur une musique de Phil Woods et pour terminer la prestation de Joe Cocker.
Philippe Koechlin se souvient : " (...)Effervescence de l'an 69 : Pierre-André Boutang, Philippe Collin, André Maurice ont programmé Frank Zappa et ses Mothers of Invention à 20h30; en prime time se gargariseraient maintenant les professionnels. Scandale! La France a peur! Les chevelus de Frank Zappa, qui oserait les proposer aujourd'hui à une heure pareille? (...) Comble : il y aura aussi ce soir-là un ballet "moderne" avec des danseuses un peu déshabillées et, fugacement, la vision de quelque sein nu. Des sacs postaux de lettres indignées vont couronner cette première. Trop, c'est trop! "Le mois prochain, m'annoncent avec ménagement les responsables, on est obligés de rattraper le coup. On va faire venir Guy Béart. C'est un peu folk, tu vois?" [1]
L'équipe enterre ses illusions et l'émission disparaît au bout de huit numéros en juin 1969.

Pour se dédouaner de l'arrêt de Bouton rouge, la deuxième chaîne propose le 12 octobre 1968 un nouveau magazine musical en grande partie consacrée au rock. A l'affiche du monde est confiée à Claude Fléouter, critique variétés au Monde, producteur, réalisateur (série Racines, Cent ans de jazz dans les années 1970) et à Robert Manthoulis, grec ayant fui le régime des colonels. De 1968 à 70, il réalisera toute une série de films pour A l'affiche. Puis toujours pour la télévision Un pays, une musique (1974-75), La mémoire du peuple noir, au cinéma (Le blues entre les dents, 1973).
Christophe Izard, réalisateur, donne sa conception d'une émission musicale : "Tout d'abord, il faut tenir compte de ce que la Pop Music est mal vue de la majorité des téléspectateurs français, on ne lui a donc consacré jusqu'à présent que des émissions à petit budget donc pas toujours très bonnes (...) Il faut la considérer non seulement comme un événement musical, mais aussi comme un événement politique et social. Pour moi, c'est l'histoire d'une nouvelle génération; à la limite, c'est un nouveau style de vie que nous apporte le pop(...)"[2] L'émission se veut un reflet de l'actualité musicale du moment, pas seulement du rock, mais de tous les styles musicaux. Les séquences pop sont filmées live (Joan Baez à San Francisco), malgré le peu de moyens financiers. "Il s'agit de saisir la musique et non pas de la fabriquer ou de la reconstituer(...) Cela nous permet d'ailleurs d'avoir une audience plus étendue et d'intéresser au pop un public qui de lui-même n'est pas porté vers le pop, mais qui l'écoute au milieu des autres actualités(...)".[3]
Titrant sur la "dernière affiche du monde", Pop music annonce dix jours à l'avance la fin du magazine [4]: "(...) C'est une des grandes émissions pop de la télévision qui s'éteint : en effet "L'Affiche du Monde" faisait une large place à notre musique préférée.(...) Regrettons que la direction de notre office national n'ait rien fait, bien au contraire, pour arranger les choses, puisque pour cette ultime réalisation aucune facilité de travail n'a été accordée aux auteurs".
[1] Mémoires de rock et de folk, Paris, Mentha, 1992, p. 58. On retrouve la séquence avec les Mothers sur le DVD Hair-Let The Sun Shine In.
[2] Best, op. cit.
[3] Best, op. cit.
[4] 21 janvier 1971

mercredi 25 juillet 2007

FEUILLETON DE L'ETE 4ème épisode

Le texte ci-après est extrait d'une contribution de Gilles Pidard à paraître en septembre 2007 dans l'ouvrage collectif La Télévision des Trente Glorieuses, culture, politique, société (1945-1975), dir. par Evelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy, CNRS Editions.
Un mélange des genres réussi
Tous en scène est diffusée en couleurs sur la 2ème chaîne de l'ORTF de septembre 1968 à mars 1970. L'émission révolutionne le concept de variétés en mélangeant tous les styles musicaux du pop au jazz en passant par la chanson ou l'orchestre de l'Armée du Salut. Comme chez les Mousquetaires, les réalisateurs-producteurs sont au nombre de quatre. Robert Bober a tourné des documentaires d'art. Assistant de Truffaut et d'Averty, il travaillera avec Pierre Dumayet. Pierre Desfons , assistant d'Averty, a travaillé avec un ancien collaborateur de Michèle Arnaud (Tilt, Quatre temps), Maurice Dumay, puis avec Jean-Michel Damian sur la musique et les premiers numéros de Musique au coeur d'Eve Ruggieri. Maurice Dugowson a réalisé des films de cinéma (Lilly aime moi, F...comme Fairbanks), puis à la télévision a travaillé avec Michel Polac (Post scriptum, Droit de réponse) et Philippe Alfonsi (Histoire d'un jour, Taxi ). Claude Ventura, assistant de Marcel Bluwal (Initiation à la musique), collabore à Panorama, Italiques, La saga des Français, Bande à part, Un jour futur de Lancelot (avec Don Kent, il réalise un fascinant portrait musical de Liverpool en 1974, "tentative d'explication sociologique du rock au gré d'images de banlieues tristes"). En janvier 1982, il devient producteur avec Michel Boujut et Anne Andreu de Cinéma, cinémas.
Tous en scène , tournée à l'Antenne culturelle du Kremlin-Bicêtre (!), casse les cadres classiques de l'émission de variétés en mettant en scène le public, enregistrant ses réactions, s'évadant en coulisses ou dans la ville. Très influencée par la manière dont Richard Lester filma les Beatles dans le film Quatre garçons dans le vent, l'émission mélange les genres et chaque numéro s'organise autour d'un thème. Les auteurs ont pour credo de ne passer à l'antenne un chanteur que s'il fait l'unanimité des quatre. Un groupe de comédiens (Jacques Seiler, Didier Kaminka, Michel Robin) et les Charlots[1] sont chargés d'entrecouper les séquences musicales de sketchs en se mêlant aux artistes. Les meilleures formations de pop se succèdent (Pink Floyd, Family, Led Zeppelin, Yes, Variations) dans une programmation ouverte au jazz (Keith Jarrett, René Thomas, Art Farmer) et aux variétés. L'équipe a ses chanteurs fétiches (Birkin et Gainsbourg, Françoise Hardy, Eddy Mitchell, Jacques Dutronc).
Deux opérateurs enregistrent en vidéo et deux autres en film. Refusant la sempiternelle vision frontale entrecoupée de gros plans, les caméras s'en donnent à coeur joie, glissent en grands travellings dans le dos des musiciens et face à la salle. En liberté, elles tournent autour des artistes, les enveloppent et les images ainsi volées sont ensuite montées. Le guitariste Jimmy Page évoque le passage de Led Zeppelin dans l'émission du 25 juin 1969 :" Je me souviens très bien de cette émission de l'ORTF. Nous avions répété tout l'après-midi et, le soir, nous avons joué ces titres devant l'orchestre de l'Armée du Salut, complètement ébahi. Horrifié, je devrais même dire. Comment pouvions-nous faire autant de bruit? Ils attendaient patiemment leur tour, en se demandant s'ils n'étaient pas en train de vivre la fin du monde en direct. Ce genre d'attitude nous amusait beaucoup. Nous étions les extra-terrestres de service, ceux par qui le scandale arrivait. Le seul souci c'est que, entre les répétitions de l'après-midi et le live du soir, l'ingénieur du son a modifié les réglages, c'est Robert Plant qui est mis en avant, au détriment du groupe. Dommage."[2]
Pour chaque émission, un thème visuel sert de fil conducteur. Tout se passe sans problème jusqu'à ce que ce numéro traitant de la Passion du Christ, version "musical" sur le mode parodique. L'irruption à l'antenne de séquences mettant en scène des bonnes soeurs dansant des claquettes, Eddy Mitchell un chapelet autour du cou et ses musiciens en soutane, les Charlots en évêque faisant du trempoline, enfin un christ portant sa croix, provoqua un tollé général.
Diffusée en pleine semaine pascale, le 23 mars 1970, l'émission déclenche un véritable scandale.[3] Dès le lendemain, le conseil d'administration de l'ORTF décide la suppression de Tous en scène. L'émission, dont le projet avait été soumis et accepté par la direction des Variétés, était tournée depuis janvier. Inscrite au programme depuis un mois, elle n'a été visionnée que le matin de sa diffusion...et maintenue. A droite, la presse se déchaîne contre l'émission : " (...) C'était outrageusement navrant [4] (...) A ce degré de bassesse et de médiocrité, la Télévision française fait plus que se déconsidérer. Il ne s'agit plus, ici, ni de jouer les pères la vertu ni même de s'indigner au nom de ses propres convictions : si la télévision cesse d'avoir le respect élémentaire d'une forme de civilisation qui est la nôtre, il devient intolérable de la voir pénétrer dans nos foyers.[5]". Dans l'opposition, autre son de cloche : " (...) Pop-music, chansons françaises de qualité, ballets et orchestre vieillot y alternent toujours. Il y a dans cette émission, toutes les qualités que l'on doit attendre de l'adaptation des variétés à la vraie télévision ».[6] Quant aux auteurs de l'émission, ils se défendent d'avoir cherché à faire un pamphlet contre la religion : "Pour nous, cette émission n'était ni plus impertinente ni plus féroce que les dix autres émissions qui ont précédé.(...) Nous avons conçu cette émission comme une fête..." Malheureusement, celle-ci tourne court et Tous en scène disparaît au bout de treize numéros. "Il faut regretter que l'humour, n'ait toujours pas voix au chapitre, à l'O.R.T.F. En fait, plus que l'émission elle-même, ce que vise cette interdiction, c'est un ensemble de tendances : la musique pop, les cheveux longs, les groupes anglo-saxons, etc. Pourtant la jeunesse doit pouvoir s'exprimer" se désole l'hebdo Pop Music[7].
[1] D'abord accompagnateurs d'Antoine, sous le nom des Problèmes, les Charlots fondent leur succès sur des chansons rigolardes telles que "Paulette, la reine des paupiettes", "Merci patron" et autres "Allumeuses de vrais berbères", avant de sombrer dans le cinéma de comique troupier.
[2] Interview par Christian Eudeline dans Juke Box Magazine, n° 201, février 2004. L'extrait de l'émission concernant Led Zeppelin figure dans le coffret Warner Music Vision (2003) regroupant plus de cinq heures de concerts filmés du groupe.
[3] La première chaîne diffuse à la même heure une pièce sur Sainte Thérèse d'Avila!
[4] Dominique Pado, L'Aurore, cité dans Télé 7 jours, n° 519 du 4/4/1970
[5] André Brincourt, Le Figaro, cité dans Télé 7 jours, op. cit.
[6] Philippe Aubert, Combat, cité dans Télé 7 jours, op. cit.
[7]9 avril 1970

FEUILLETON DE L'ETE 3ème épisode

Le texte ci-après est extrait d'une contribution de Gilles Pidard à paraître en septembre 2007 dans l'ouvrage collectif La Télévision des Trente Glorieuses, culture, politique, société (1945-1975), dir. par Evelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy, CNRS Editions.
Le premier magazine rock à la télé
Bouton Rouge débute le 16 avril 1967 sur la 2ème chaîne. Produite par André Harris et Alain de Sédouy[1] et réalisée par Jean-Paul Thomas, elle est présentée par Pierre Lattès. Celui-ci débute au Pop Club de José Artur en 1966, collabore à Jazz Hot et à Rock & Folk. Il signe la rubrique "Méchamment rock" dans L'Hebdo Hara Kiri, puis Charlie Hebdo en changeant de pseudonyme chaque semaine pour éviter les pressions des maisons de disques. En avril 1969, il quitte le Pop Club très brutalement, lorsque Lucien Morisse lui propose une émission musicale sur Europe 1, Periphérik, qu'il présente avec Sam Bernett. Mais l'expérience, destinée à remplacer Salut les copains, tourne court, Lattès refusant catégoriquement de diffuser Mireille Mathieu ! Il revient travailler au Pop Club et produit aussi sur France Inter (1970), Mon fils avait raison, un invité célèbre et son fils débattent de sujets de société et confrontent leurs goûts musicaux. Il entre ensuite à France Culture (Boogie 1973-74) et France Musique pour y mettre en place plusieurs émissions musicales.
Pierre Lattès se souvient des débuts : "Parallèlement à ma chronique dans le Pop Club, je m'occupe de Bouton Rouge, la première émission de rock à la télé. Nous n'avons aucun budget, et nous sommes obligés de nous débrouiller par des connaissances pour avoir des groupes comme les Moody Blues, le Pink Floyd ou Cream rien que pour nous. Les formations profitent quelquefois d'un petit dédommagement, 200 livres sterling pour Cream, mais en général on ne les paye pas."[2]
D'abord insérée dans 16 millions de jeunes [3] (le premier titre étant A plein tube ), l'émission est destinée aux 16-20 ans. Composée d'une série de reportages et de séquences musicales pré-enregistrées, la formule évoluera vers une partie plateau. Les auteurs souhaitent que Bouton Rouge devienne le "rendez-vous des copains". D'abord en noir et blanc, elle passe en couleurs. L'habillage de l'émission n'hésite pas à recourir aux effets techniques à la mode, notamment pour le générique : "L'ocre des guitares électriques qui flamboie, les effets de trucages psychédéliques qui poudroient dans la séquence américaine de Jefferson Airplane, c'est beau.(...)Ça vous balance en pleine musique "Pop"[4]. Délaissant les idoles du yéyé, elle fait la part belle aux meilleures formations étrangères du moment (Steve Miller Band, Yardbirds) qui se produisent en extérieur comme cette séquence fameuse du groupe Captain Beefheart filmé sur la plage de Cannes durant le MIDEM[5] ou en direct dans la pièce 6547 qui sert de studio d'enregistrement. Pierre Lattès y trône face à un pupitre duquel il présente les musiciens et distille les dernières informations sur le rock et surtout traite du courrier reçu (pas moins de 150 à 200 lettres par semaine). "Il est étonnant de s'apercevoir que Bouton Rouge est une émission regardée par les classes populaires. Les lettres que nous recevons viennent d'ouvriers, d'employés, de jeunes de toutes classes. Ils fraternisent dans la "pop music" comme y fraternisent les races(...)."[6] Avant tout journalistes, les auteurs souhaitent surtout décrire à travers la musique l'évolution de la jeunesse des années soixante. En témoignent ces extraits du courrier des téléspectateurs : "je vous félicite d'avoir réveillé, énervé, bousculé l'ORTF(...) Bouton Rouge est la seule émission où les jeunes retrouvent leurs problèmes et leurs goûts dans chacune de vos séquences(...)" ou encore, cette lettre d'un agent de la force publique de Lille qui affirme : "Grâce à vous, je suis devenu rock!".
A plusieurs reprises, l'émission se fait l'écho du désarroi de la jeunesse de 1968. « Un dimanche à Bourg en Bresse [7] évoque l’ennui ressenti par deux jeunes lycéens de 18 ans dans une province rythmée par les défilés d'anciens combattants et les sorties de la messe. Le film démarre avec en fond sonore la chanson "In the loneliness". Suit l'interview d'un groupe de jeunes à un concert de rock. Tous travaillent (peintres, mécano, employé de bureau). "Ils font du rock pour s'amuser, pour passer le temps", entend-on en voix off. " A Bourg en Bresse, on préfère pas jouer, les gens vous critiquent facilement, nos vêtements, nos cheveux longs, il suffit d'être habillés excentriquement...on n'a pas notre place dans la société. Nous sommes yéyé, nous sommes modernes" déclarent-ils. Vue sur un bal musette. "Les boîtes de nuit, c'est inaccessible, la ville est trop bourgeoise. Nous nous ennuyons. Le club de jeunes, ce n'est pas intéressant.(...) La musique pop, on ne la connaît que par les disques, un peu par la télé, la radio. On n'a jamais mis les pieds dans une boîte de nuit, les petits bals de campagne c'est tout ce que nous avons. (...) Le sport on peut pas toujours en faire. (...) Les filles sont casanières. Après le sport, les pantoufles c'est un peu leur but. Pas nous. Notre but : faire beaucoup de choses, (...) sortir de ce trou. Les gens de la capitale ont le droit de s'amuser pas nous.(...)". Le reportage se clôt sur les déambulations des deux garçons dans les rues tristes de leur ville. Même constat deux mois plus tard avec le portrait de José[8], jeune immigré espagnol vivant en Alsace, fan d'Otis Redding ("dans un monde sans musique, je serais complètement paumé"). Il crie son désespoir de devoir vivre dans cette province refermée sur elle-même ("Il m'arrive de cogner des gens, d'exploser"). La fin du reportage le voit partir jetant des oeufs sur la pancarte à la sortie du village....
Bouton Rouge disparaît dans la tourmente de Mai 68.
Pierre Lattès animera Rock en Stock de janvier 1972 à février 1974 sur la 1ère chaîne. Réalisée par Gilles Daude[9] en noir et blanc, elle privilégiera le plan-séquence et le son direct, se situant d'emblée aux antipodes des émissions de variétés habituelles, dans la suite logique de Bouton Rouge, mêlant séquences musicales (Dick Rivers, MC5) et interviews.
[1] Producteurs de Zoom et du film Le chagrin et la pitié, réalisé par Marcel Ophüls et longtemps interdit de diffusion à la télévision française.
[2] Le rock et la plume, textes rassemblés par Gilles Verlant, 2000, Paris, Editions Hors Collection, p. 233.
[3] Cette émission produite et réalisée par les mêmes depuis avril 1964, " dissèque, chaque semaine, (...) le malaise social et culturel des jeunes" (Marie-Françoise Lévy dans Les sixties. Années utopies, 1996, Paris, Somogy, p. 183). Elle disparaît comme Bouton Rouge en mai 1968.
[4] Monique Lefebvre, Télérama n° 957, avril 1968, p.6-7
[5] Cette séquence est disponible sur le coffret Grow fins. Rarities 1965-82, Revenant Records, 1999.
[6] Télérama, op. cit.
[7] Reportage de Michel Lebayon dans Bouton Rouge du 3/2/1968
[8] Reportage de Guy Demoy dans Bouton Rouge du 13/4/1968.
[9] Elève de Raoul Sangla (Discorama avec Denise Glaser) et assistant de Claude Ventura sur Tous en scène et Pop 2.

mardi 24 juillet 2007

FEUILLETON DE L'ETE 2ème épisode

Le texte ci-après est extrait d'une contribution de Gilles Pidard à paraître en septembre 2007 dans l'ouvrage collectif La Télévision des Trente Glorieuses, culture, politique, société (1945-1975), dir. par Evelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy, CNRS Editions.
Le temps des copains
Le premier numéro d’Age tendre et tête de bois [1]est diffusé le 30 mai 1961. Réalisé par Roger Kahane, il est présenté par Albert Raisner. Harmoniciste talentueux[2], sorte de Jaboune [3]des sixties, il demeurera le présentateur attitré de cette émission jusqu'au 3 juillet 1968 (le titre, mais non la formule, aura entre temps changé le 13 janvier 1965 pour Tête de bois et tendres années). Cette émission de variétés est enregistrée au Golfe Drouot, célèbre salle de concerts parisienne des années soixante. Elle permet de retrouver les vedettes de la chanson en vogue alors dans la jeunesse (Eddy Mitchell, Claude François, Richard Antony, Sheila)
Son idée est simple[4], il souhaite aborder tous les sujets qui intéressent la jeunesse, établir des télés-contact avec les jeunes de tous pays, enrober le tout de bonne humeur décontractée, de musiques et de danses et le servir chaud, c'est à dire en direct intégral depuis un lieu de rencontre naturel où les jeunes se sentiraient chez eux et entre eux, oubliant les caméras. Son premier projet date de 1958 et s'appelle Télé-club des jeunes. Il essuie d'abord un refus, change plusieurs fois le titre (Carrefour des jeunes, Club 2000, Club Dupont-Durand junior (sic), Dans l'ambiance), pour finalement adopter Age tendre. L'émission ne sera pas diffusée tout de suite, mais rencontrera très vite le succès.
Le premier numéro, d’une durée de 23 minutes, débute par un plan d’Albert Raisner chez le coiffeur et l’on entend sa voix off, tandis que la caméra se déplace dans la rue : "Regardez les visages de ces jeunes gens et jeunes filles. Essayez de venir à leur rencontre avec sympathie, comme si vous aviez vous-même des yeux de vingt ans." Il présente un garçon et une jeune fille dans la foule (17-20 ans). "Le garçon n'a pas fait le service militaire, il est passionné de rock & roll (...) Garçons et filles aiment à se retrouver entre eux dans des endroits hostiles à tout ce qui n'est pas résolument jeune". Le plan suivant nous transporte au Golf Drouot. Le public est composé de jeunes gens très BCBG. Les Chaussettes Noires démarrent avec Eddy sois bon, Roger Guérin interprète Nuit de Chine façon charleston, Raisner joue un air d'harmonica, Johnny Resch chante en s'accompagnant à la guitare, Nancy Holloway poursuit avec une version de Be bop a lula, on nous dit que la chanson Non je ne regrette rien d'Edith Piaf est n°1 au Top du Golf Drouot[5], des jeunes dansent sur des airs à la mode choisis par eux-mêmes. Le parrain de l'émission, Gilbert Bécaud, discute avec eux de rock, de cinéma, de leurs problèmes (« la jeunesse d’aujourd’hui n’a rien d’exceptionnel »), annonce qu'il va sortir un disque de rock. Le public danse sur le générique de fin.
Toutes les idoles du yéyé passeront dans l'émission en direct, la plupart du temps en play back. Des séquences achetées à des télévisions étrangères sont également programmées (Raisner n’hésite pas à jammer avec Little Stevie Wonder par écran interposé). Le dispositif scénique est immuable. L’animateur s’assoit avec les vedettes invitées parmi le public choisi régulièrement parmi des élèves d'une classe (préparatoire, lycée technique) assis sagement serrés les uns contre les autres, se balançant au rythme des chansons.
Les émissions sont enregistrées dans les clubs les plus jeunes de la capitale (Golf, Slow club, Tabou), mais aussi à la Cité Universitaire, dans un dancing à Pontoise, une guinguette à La Varenne. La première année, la programmation n’est pas régulière. Avec l'évolution de la musique, l'émission passe le samedi, puis le mercredi soir. Raisner organise une coupe Age tendre dans chaque ville, on se réunit dans des clubs Age tendre et on élit le meilleur orchestre twist qui participe à la finale en direct. Une revue est réalisée par les jeunes des clubs pour soutenir les concurrents de la coupe. En octobre 64, le titre est racheté par Daniel Filipacchi et devient Mademoiselle Age tendre.
Sorte de pendant télévisuel au phénomène médiatique Salut les copains, l’émission d’Albert Raisner donnera de la jeunesse française une image somme toute assez rassurante pour les parents. L’émission disparaîtra dans la tourmente de 68, mais l’animateur reviendra, sans se départir de sa bonne humeur, animer Point chaud (jusqu’en 1979), magazine davantage axé sur la musique rock.
[1] Le titre est emprunté aux paroles d'une chanson de Gilbert Bécaud, de même pour Salut les copains.
[2] Fondateur du Club de l’Harmonica en 1945, il se produira pendant plusieurs années sur scène avec son trio.
[3] Surnom de Jean Nohain qui présentait 36 chandelles, émission de variétés culte de la télé des années 50 et qui célébrait (déjà) la "France d'en bas"!
[4] Raisner, Albert,1973, L'Aventure Pop, Paris, Robert Laffont.
[5] C'était aussi la chanson fétiche des soldats du putsch raté en Algérie un mois plus tôt!

FEUILLETON DE L'ETE 1er épisode

Le texte ci-après est extrait d'une contribution de Gilles Pidard à paraître en septembre 2007 dans l'ouvrage collectif La Télévision des Trente Glorieuses, culture, politique, société (1945-1975), dir. par Evelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy, CNRS Editions.
Rock et télévision : un rendez-vous manqué?
Les émissions musicales pour la jeunesse (1961-1973)

"(...) Enfant terrible de la musique, le pop est soigneusement écarté des émissions musicales ou de variété; "chanteurs hirsutes"..."musique trop neuve"... les musiciens sont des bêtes curieuses que l'on montre à l'occasion, le plus rapidement possible , pour ne pas effaroucher le téléspectateur(....) La pop music a-t-elle sa place à la télévision?" demandait en 1970 le mensuel Best [1] à ses lecteurs, quelques semaines avant l'interruption de Tous en scène pour "anticléricalisme blasphématoire". Cette émission avait su mélanger dans un même programme le rock sophistiqué de Soft Machine ou celui plus nerveux de Led Zeppelin, le jazz moderne de Phil Woods avec la variété haut de gamme de Serge Gainsbourg ou de Françoise Hardy. La télévision des années 1960-70 a eu beaucoup de mal à prendre en compte les mutations idéologiques et culturelles d'une jeunesse qui effraie la société de l'après Mai. Synonyme de violence - Paul Amar illustre le propos de l'émission Les lundis de l’information du 23 mars 1998 sur France 2 consacrée à la violence dans les sociétés par un extrait d'un concert de Vince Taylor de novembre 1961 ! Sur des images du Palais des Sports de Paris dévasté, on entend ce commentaire d'époque : "Le rock s'appelait danse de Saint-Guy du temps de grand-papa" - de drogue - à propos de la mort de Jimi Hendrix, Le Parisien Libéré titre le 19 septembre 1970 : « Encore un !…La drogue a tué, à 24 ans, une idole du « Pop » (…) ». Ce journal est le seul de la presse française à faire sa une sur la mort de cet artiste, non pour célébrer son talent, mais pour conspuer « ses millions d’admirateurs désaxés » - et de révolte gauchiste - "étrange voyage, étrange rassemblement autour de ceux qui ont décidé de traduire la difficulté de vivre en décibels" commente Jean-Pierre El Kabbach, dans un reportage ("L'île aux hippies") sur le 1er festival de l'île de Wight, Panorama (4 septembre 1969, 1ère chaîne de l'ORTF)[2]. Plus loin, il ne retiendra du passage de Bob Dylan qu'il n'aura été que "l'un des plus fastueux cachets de l'histoire du music hall". La musique rock a longtemps fait figure de paria dans la société française et l’ORTF n’ y échappe pas. Si les tentatives ont été multiples (pas moins de 12 émissions de 1961 à 1975), elles furent souvent de courte durée (quatre numéros pour Melody en 1974).
Les relations entre le cinéma [3], la radio [4] et le rock ont été plus ou moins inégalement traitées, à l’inverse celles qu’il entretient avec la télévision restent encore à étudier.[5] Ce retard s’expliquant par un accès aux sources peu aisé pour le domaine français[6], difficulté facilement surmontée lorsque l’on quitte l’hexagone télévisuel.[7]

[1] « Le pop et la télévision », n°18, janvier 1970.
[2] Cette séquence figure sur le DVD Hair-Let The Sun Shine In, édité par l’INA en juillet 2007 pour les 40 ans du Summer of Love.
[3] Jelot-Blanc, Jean-Jacques, 1978, Le cinéma musical. Du rock au disco 1953-1979 (2 tomes), Paris, Pac éditions. Farren, Jonathan, 1979, Ciné-Rock, Paris, Rock & Folk / Albin Michel. Lacombe, Alain, 1985, L'écran du rock. 30 ans de cinéma et de rock-music, Paris, Lherminier.
[4] Kerguiziau de Kervasdoué (de), Cécile, 1998, L'impact du mouvement pop en France et son expression radiophonique 1965-1974. Etude de deux émissions phares : le Pop Club et Campus, mémoire de DEA, Paris, IEP.
[5] Quelques émissions anglo-saxonnes ont fait l’objet d’études : "Old Grey Whistle Test" in Record Collector n° 265 (9/2001) et 290 (10/2003); "Shindig!" in Juke Box Magazine n° 175 (2/2002) et "Hullabaloo", 176 (3/2002).
[6] Retard en partie comblé par l’INA qui met en ligne sur son site une partie de ses archives. Outre la quasi-totalité de Pop 2, on peut visionner également des extraits de Age tendre et tête de bois.
[7] Dans une approche comparatiste, on peut se reporter aux nombreuses rééditions disponibles en DVD : Allemagne : Beat-Club, Musikladen, Rockpalast, Ohne Filter; Grande-Bretagne : Old Grey Whistle Test, Later with Jools Holland ; Belgique : Stop Pop; Etat-Unis : Ed Sullivan Show, Hullabaloo, Music Scene, Shindig!

HUONG THANH - NGUYEN LE Sextet














































lundi 23 juillet 2007

Festival Pop, Aix en Provence, juillet 1970


François Jouffa, en compagnie de sa femme Sylvie (ph.2) et de Nadine (ph.1), au festival pop d'Aix en Provence en juillet 1970 qui servit de décor pour une scène du film de Francis Leroi, La Michetonneuse, scénarisé par François Jouffa et sorti en août 1972 (la B.O. est signée Pierrot Fanen, ex-guitariste de Zoo).



vendredi 20 juillet 2007

L'INA célèbre le Summer of Love













Hair, Let The Sun Shine In de Pola Rapaport, (54 min, 2007) : "Critique de la société américaine ou expression de la contre-culture hippie de la fin des années 60, la comédie musicale « HAIR » est le point de départ pour les auteurs, James Rado et Gerome Ragni, d'un panorama sur toutes les contestations qui sous-tendaient l’émergence de la lutte pour l’égalité des noirs, pour la liberté sexuelle, pour la paix au Vietnam et qui inspira des générations avec ses messages d'amour, de non-violence et de libération… Quarante ans après, Pola Rapaport retrouve James Rado qui prépare une nouvelle tournée de « HAIR » avec une troupe de jeunes comédiens et danseurs. Elle revient sur l’histoire de ce succès et des contestations d’alors".
Les chemins perdus 1966-1967 de Philippe Garrel, (45 min, 1984) : "En 1984, Philippe Garrel présente à la télévision trois séquences qu’il a filmées en 1966 et 1967. Trois expressions de la Beat Generation : un portrait du Living Theatre, la communauté artistique, d’idéologie anarchique, qui a révolutionné les formes du théâtre contemporain, un concert de Donovan, l’interprète émerveillé du flower power et un enregistrement en studio des Who, qui exploseront quelques années plus tard au festival de Woodstock avec leur opéra-rock Tommy.
"Suppléments"
Discorama" (1969), Denise Glaser reçoit Julien Clerc et les interprètes de la version française de Hair
Interview de Milos Forman au Festival de Cannes 1979
"Les Beatniks de San Francisco" (1967)
"L’île aux hippies", extrait d’un reportage de "Panorama" sur le festival de l’île de Wight en août 1969
"La marche contre la peur", Reportage de "Cinq colonnes à la une" sur la marche des noirs du Mississipi en 1966
"Les suffragettes américaines", manifestation de femmes à Central Park en 1970
"Théâtre féministe" (1970)
"Manifestation de femmes à Paris en 1971"
"Pour 3 roupies" (1968)
"Le soufisme" (1973)
"William Burroughs" (1974), portrait du pape de la Beat Generation et précurseur de la littérature psychédélique
"Frank Zappa & The Mothers" (1968), le groupe interprète un morceau symphonique d’une dizaine de minutes sur le plateau de Forum Musique.
"Viva ! Varda, Dim Dam Dom" (1970)
"La Belle Cérébrale" (1975), film d’animation de Peter Foldès

dimanche 15 juillet 2007

BE BOP DELUXE




Un site pour tout savoir sur ce groupe méconnu en France, mais ô combien important dans l'histoire du rock anglais, ainsi que sur la discographie de Bill Nelson en solo.

A noter : un article très complet dans le n°36 de Crossroads paru en 2005.



Jazz Critic, c'est pas un métier! (la suite)

















On vous recommande particulièrement ces 3 revues de référence :
* Jazz Magazine

SORTIE DVD POLAR













Parution chez Bach Films d'une nouvelle collection dirigée par Stéphane Bourgoin, Serial Polar.
Que de l'inédit ou du très rare!!
* L'engrenage fatal (Railroaded!), Anthony Mann, 1947 avec John Ireland
* Sables mouvants (Quicksand), Irving Pichel, 1950 avec Mickey Rooney et Peter Lorre
* Jack l'Eventreur (Man in the Attic), Hugo Fregonese, 1953 avec Jack Palance
* L'incroyable Monsieur X (The Amazing Mr.X), Bernard Vorhaus, 1948 avec Turhan Bey
Toutes ces films en VOST sont accompagnés de bonus présentés par les meilleurs spécialistes du genre noir : S. Bourgoin, F. Guérif, C. Mesplède, J.-P. Deloux, J.-P. Bouyxou, A. Eibel
A signaler aussi dans la collection Grands Classiques d'Universal la sortie du très curieux film de John Huston : Le dernier de la liste (The List of Adrian Messenger), 1963 avec K. Douglas, R. Mitchum, B. Lancaster, F. Sinatra, T. Curtis entre autres!

samedi 14 juillet 2007

SORTIE DVD

This is Tom Jones. Une sélection de numéros de l'émission animée par Tom Jones sur la chaîne de TV américaine ABC de 1969 à 71. Outre le crooner anglais, on retrouve Janis Joplin, The Who, Stevie Wonder, The Moody Blues, Little Richard, Joe Cocker and the Grease Band, Aretha Franklin entre autres. Coffret 3 discs (Time Life)

vendredi 13 juillet 2007

A VOIR EN SALLE


2 films de Julien Temple à l'affiche !
Joe Strummer : the future is unwritten. 2007. Documentaire anglo-irlandais en couleurs de Julien Temple, 2h30.
John Mellor alias Joe Strummer, chanteur et parolier de The Clash, groupe de rock. Portrait d'une légende du rock, toujours influente, en images d'archives, extraits de films et interviews : Julien Temple raconte la vie et la carrière de l'artiste disparu en 2002 de son enfance à sa période punk, membre de groupe mais aussi artiste engagé.
Glastonbury. 2005. Documentaire anglais en couleurs de Julien Temple, 2h18.
Documentaire retraçant l'histoire du légendaire festival rock anglais de Glastonbury, réalisé à l'occasion des 35 ans de la manifestation, à partir d'images d'archives tournées par des professionnels et des amateurs.

Spécial Kosmische Musik




A lire :
AU-DELA DU ROCK, la vague planante, électronique et expérimentale allemande des années soixante-dix. Eric Deshayes (Editions Le Mot et Le Reste, 2007).
Dans le contexte de l’explosion psychédélique et contestataire de la fin des années 60, en Allemagne de l’Ouest, l’heure est aux expérimentations en tous genres : libération des moeurs, vie communautaire, drogues, découverte des cultures du monde. Pour de nombreux musiciens allemands le moment est venu de se libérer des modèles anglais et américains. Ils piochent allègrement dans tous les courants préexistants, du rock psychédélique au Free jazz, en passant par les musiques du monde et la musique contemporaine. Certains mettent en avant l'improvisation collective, d'autres se focalisent sur leur pratique instrumentale, y injectant une forte dose d'électricité. Les techniques d'enregistrement se retrouvent elles-mêmes au coeur du processus créatif. Dans les années soixante-dix, ces groupes allemands poussent le rock dans ses derniers retranchements. Sa rythmique binaire est transformée en une cadence hypnotique. Ou, à l'inverse, cette rythmique fondamentale est totalement expurgée de leurs digressions cosmiques. Can, Kraftwerk, Tangerine Dream, Amon Düül, Ash Ra Tempel, Faust, Klaus Schulze, Neu! et bien d'autres, emmènent leur musique au-delà du rock. Leurs expériences pionnières vont servir de bases pour d'autres explorateurs des mouvements tels que la New Wave, la Techno, l'Electronica, ou encore le Post-Rock.Au-delà du rock offre une plongée dans cette phase historique d'expérimentation. L'ouvrage relate le parcours de ces groupes allemands, repérant leurs influences et leur descendance. Il retrace l'itinéraire de quelques personnages clés (producteurs, ingénieurs du son, enseignants). Il présente une vue transversale des principaux labels discographiques qui ont diffusé ces productions hors normes.
A voir en DVD :
* Best of Krautrock vol.1 : Amon Duul II, Can, Passport, Guru Guru, Kraftwerk... (archives TV allemandes 1970-78) + Doc. sur Krautrock de 1975, Aviator Entertainment
* Birth Control-History : archives TV+ concert de Birth Control de 1996+divers, Aviator Entertainment
*Vagabunden Karawane : un film de Werner Penzel sur le groupe Embryo en tournée en Inde en 1978+2 docs, Aviator Entertainment

lundi 9 juillet 2007

Rock Critic, c'est pas un métier!

On vous recommande la lecture de ces périodiques :
* Crossroads
* Vibrations
http://vibrationsmusic.com/
* Jukebox Magazine
http://jukeboxmag.com/
*RecordCollector

Spécial Elvis Presley


Lectures conseillées!!
Pour le 30ème anniversaire de la mort du King, 2 hors-séries:
* Les inrocks 2 -Elvis Presley accompagné d'un CD, "Aux racines d'Elvis. Les pionniers du rock 1932-1952". Contrepoint utile à l'expo de la Fondation Cartier.
* Télérama - Elvis dans la peau

Cinéma et Musiques a plein d'amis

http://www.elliottmurphy.com/
http://web.mac.com/suerynski/iWeb/Site/NEWS/NEWS.html
http://jmmilliere.free.fr/
http://www.youtube.com/
http://www.doc-grandecran.fr/
http://www.ina.fr/
http://www.mule.net/
http://www.cellulo.net/
http://www.doobiebros.com/
http://www.littlefeat.net/
http://www.vcientertainment.com/
http://www.chappo.com/
http://www.derektrucks.com/
http://myspace.com/jamasutra
http://www.hottuna.com/
www.myspace.com/alulagroupe
http://www.allmanbrothersband.com/
http://www.myspace.com/fmpopmusic
http://www.dead.net/
http://neospheres.free.fr/disques/au-dela-du-rock.htm
http://weinsist.free.fr/goin.htm
http://www.leconcombre.com/biblio/filmographie/serials-42.html

dimanche 8 juillet 2007

SORTIES CD


Chaudement recommandés!!
* John McLaughlin, Jaco Pastorius, Tony Williams : Trio of Doom (inédits, 1979), Columbia
* Don Cherry : Hear and Now (rééd.1977), Wounded Bird Records
* New Riders of the Purple Sage : Boston Music Hall (inédits 1972), Kufala Recordings
* Elliott Murphy : Coming Home Again (2007), Last Call Records
* Sly and the Family Stone. The Collection (rééd. en coffret des 7 premiers albums+bonus, 1967-74), Epic/Legacy

mercredi 4 juillet 2007

Montreuil célèbre le Summer of Love


Evénement à la bibliothèque-discothèque municipale de Montreuil : du 19 juin au 31 octobre 2007, à travers de nombreuses manifestations, place au mouvement psychédélique Summer of Love de 1967 qui a déferlé sur les Etats-Unis et s'est répandu dans le monde occidental. Né à San Francisco, le Summer of Love s'est traduit par une véritable révolution culturelle, surtout musicale, qui a bouleversé les mentalités par-delà les frontières. A travers une programmation dense - images de concerts, films, expositions, rencontres avec des spécialistes, scènes musicales, etc. - qui devrait intéresser toutes les générations, la bibliothèque municipale Robert-Desnos retrace le mouvement dans son contexte politique, social et culturel. Le 16 juin dernier, jour anniversaire du Monterey Pop Festival de 1967, sur le site Internet de la bibliothèque, la porte du dossier théma consacré au Summer of Love a été ouverte. Sont consultables des chroniques de disques choisis entre 1965 et 1972, avec écoute d'un morceau par album ; des livres pour comprendre l'histoire du mouvement ; des bandes dessinées des grands créateurs ; une sélection des meilleurs sites internet ; des DVD de concerts et de reportages.Consultez le programme complet de Summer of Love sur le site de la bibliothèque Robert-Desnos.

dimanche 1 juillet 2007

A VOIR EN SALLE











Made in Jamaica, documentaire français en couleurs de Jérôme Laperrousaz, 2006, 1h50 avec Capleton, Elephant Man, Bunny Wailer...
Le reggae, chant de révolte de la Jamaique, a résonné dans le monde entier gâce à Bob Marley. Aujourd'hui, il continue de vivre grâce à une nouvelle génération de musiciens qui a donné naissance au dance hall. Le rêve jamaicain d'aujourd'hui.
ROCK'N'ROLL 39-59

Une exposition consacrée à la genèse et aux débuts du rock'n'roll aux Etats-Unis, de l'explosion du boogie-woogie à partir de 1939 aux événements de la fin des années 50 marquant le déclin de ce qu'on peut appeler le premier âge d'or du rock'n'roll.
Affiches, disques et objets rares d'époque, mais aussi photographies, films, et bien sûr de la musique et du son invitent le visteur à revivre ce bouleversement culturel, miroir d'une société en pleine mutation.
Jusqu'au 28 octobre 2007 à la Fondation Cartier pour l'art contemporain.
261, bd Raspail (14e). M° Raspail. 01 42 18 56 50. Du Mar au Dim de 10h à 20h, nocturne Mar jsq 22h.

http://www.fondation.cartier.com/