Le texte ci-après est extrait d'une contribution de Gilles Pidard à paraître en septembre 2007 dans l'ouvrage collectif La Télévision des Trente Glorieuses, culture, politique, société (1945-1975), dir. par Evelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy, CNRS Editions.
Deux tentatives avortées
Pour succéder à Tête de bois, devenue désuète en cette rentrée 68, l'ORTF, par le biais de Jean-Emile Jeannesson et Michel Péricard, concepteurs de "soirées jeunesse", proposent à Pierre-André Boutang, qui a collaboré à Dim, Dam, Dom et sera le futur producteur du magazine culturel Océaniques sur FR3 dans les années 1980, ainsi qu'à Philippe Collin , réalisateur, critique de cinéma à Elle et au Masque et la plume, de produire une nouvelle émission musicale pour le jeunes. Ceux-ci ont l'intelligence d'en confier la présentation à l'équipe de Rock & Folk, chapeautée par son rédacteur en chef Philippe Koechlin, Raoul Sangla assurant la réalisation.
Forum Musiques est diffusée en direct sur la 1ère chaîne le mercredi 23 octobre 1968 à 20h35, coincée entre les Shadoks et un Cartes sur tables consacré au budget 1969 (!)
Le programme, conçu par une équipe avide de découvertes, est des plus audacieux. Michel Polnareff ouvre le bal avec une mini-symphonie, s'ensuivent les Mothers of Invention et leur rock iconoclaste, un ballet jazz sur une musique de Phil Woods et pour terminer la prestation de Joe Cocker.
Philippe Koechlin se souvient : " (...)Effervescence de l'an 69 : Pierre-André Boutang, Philippe Collin, André Maurice ont programmé Frank Zappa et ses Mothers of Invention à 20h30; en prime time se gargariseraient maintenant les professionnels. Scandale! La France a peur! Les chevelus de Frank Zappa, qui oserait les proposer aujourd'hui à une heure pareille? (...) Comble : il y aura aussi ce soir-là un ballet "moderne" avec des danseuses un peu déshabillées et, fugacement, la vision de quelque sein nu. Des sacs postaux de lettres indignées vont couronner cette première. Trop, c'est trop! "Le mois prochain, m'annoncent avec ménagement les responsables, on est obligés de rattraper le coup. On va faire venir Guy Béart. C'est un peu folk, tu vois?" [1]
L'équipe enterre ses illusions et l'émission disparaît au bout de huit numéros en juin 1969.
Pour se dédouaner de l'arrêt de Bouton rouge, la deuxième chaîne propose le 12 octobre 1968 un nouveau magazine musical en grande partie consacrée au rock. A l'affiche du monde est confiée à Claude Fléouter, critique variétés au Monde, producteur, réalisateur (série Racines, Cent ans de jazz dans les années 1970) et à Robert Manthoulis, grec ayant fui le régime des colonels. De 1968 à 70, il réalisera toute une série de films pour A l'affiche. Puis toujours pour la télévision Un pays, une musique (1974-75), La mémoire du peuple noir, au cinéma (Le blues entre les dents, 1973).
Christophe Izard, réalisateur, donne sa conception d'une émission musicale : "Tout d'abord, il faut tenir compte de ce que la Pop Music est mal vue de la majorité des téléspectateurs français, on ne lui a donc consacré jusqu'à présent que des émissions à petit budget donc pas toujours très bonnes (...) Il faut la considérer non seulement comme un événement musical, mais aussi comme un événement politique et social. Pour moi, c'est l'histoire d'une nouvelle génération; à la limite, c'est un nouveau style de vie que nous apporte le pop(...)"[2] L'émission se veut un reflet de l'actualité musicale du moment, pas seulement du rock, mais de tous les styles musicaux. Les séquences pop sont filmées live (Joan Baez à San Francisco), malgré le peu de moyens financiers. "Il s'agit de saisir la musique et non pas de la fabriquer ou de la reconstituer(...) Cela nous permet d'ailleurs d'avoir une audience plus étendue et d'intéresser au pop un public qui de lui-même n'est pas porté vers le pop, mais qui l'écoute au milieu des autres actualités(...)".[3]
Titrant sur la "dernière affiche du monde", Pop music annonce dix jours à l'avance la fin du magazine [4]: "(...) C'est une des grandes émissions pop de la télévision qui s'éteint : en effet "L'Affiche du Monde" faisait une large place à notre musique préférée.(...) Regrettons que la direction de notre office national n'ait rien fait, bien au contraire, pour arranger les choses, puisque pour cette ultime réalisation aucune facilité de travail n'a été accordée aux auteurs".
[1] Mémoires de rock et de folk, Paris, Mentha, 1992, p. 58. On retrouve la séquence avec les Mothers sur le DVD Hair-Let The Sun Shine In.
[2] Best, op. cit.
[3] Best, op. cit.
[4] 21 janvier 1971
Pour succéder à Tête de bois, devenue désuète en cette rentrée 68, l'ORTF, par le biais de Jean-Emile Jeannesson et Michel Péricard, concepteurs de "soirées jeunesse", proposent à Pierre-André Boutang, qui a collaboré à Dim, Dam, Dom et sera le futur producteur du magazine culturel Océaniques sur FR3 dans les années 1980, ainsi qu'à Philippe Collin , réalisateur, critique de cinéma à Elle et au Masque et la plume, de produire une nouvelle émission musicale pour le jeunes. Ceux-ci ont l'intelligence d'en confier la présentation à l'équipe de Rock & Folk, chapeautée par son rédacteur en chef Philippe Koechlin, Raoul Sangla assurant la réalisation.
Forum Musiques est diffusée en direct sur la 1ère chaîne le mercredi 23 octobre 1968 à 20h35, coincée entre les Shadoks et un Cartes sur tables consacré au budget 1969 (!)
Le programme, conçu par une équipe avide de découvertes, est des plus audacieux. Michel Polnareff ouvre le bal avec une mini-symphonie, s'ensuivent les Mothers of Invention et leur rock iconoclaste, un ballet jazz sur une musique de Phil Woods et pour terminer la prestation de Joe Cocker.
Philippe Koechlin se souvient : " (...)Effervescence de l'an 69 : Pierre-André Boutang, Philippe Collin, André Maurice ont programmé Frank Zappa et ses Mothers of Invention à 20h30; en prime time se gargariseraient maintenant les professionnels. Scandale! La France a peur! Les chevelus de Frank Zappa, qui oserait les proposer aujourd'hui à une heure pareille? (...) Comble : il y aura aussi ce soir-là un ballet "moderne" avec des danseuses un peu déshabillées et, fugacement, la vision de quelque sein nu. Des sacs postaux de lettres indignées vont couronner cette première. Trop, c'est trop! "Le mois prochain, m'annoncent avec ménagement les responsables, on est obligés de rattraper le coup. On va faire venir Guy Béart. C'est un peu folk, tu vois?" [1]
L'équipe enterre ses illusions et l'émission disparaît au bout de huit numéros en juin 1969.
Pour se dédouaner de l'arrêt de Bouton rouge, la deuxième chaîne propose le 12 octobre 1968 un nouveau magazine musical en grande partie consacrée au rock. A l'affiche du monde est confiée à Claude Fléouter, critique variétés au Monde, producteur, réalisateur (série Racines, Cent ans de jazz dans les années 1970) et à Robert Manthoulis, grec ayant fui le régime des colonels. De 1968 à 70, il réalisera toute une série de films pour A l'affiche. Puis toujours pour la télévision Un pays, une musique (1974-75), La mémoire du peuple noir, au cinéma (Le blues entre les dents, 1973).
Christophe Izard, réalisateur, donne sa conception d'une émission musicale : "Tout d'abord, il faut tenir compte de ce que la Pop Music est mal vue de la majorité des téléspectateurs français, on ne lui a donc consacré jusqu'à présent que des émissions à petit budget donc pas toujours très bonnes (...) Il faut la considérer non seulement comme un événement musical, mais aussi comme un événement politique et social. Pour moi, c'est l'histoire d'une nouvelle génération; à la limite, c'est un nouveau style de vie que nous apporte le pop(...)"[2] L'émission se veut un reflet de l'actualité musicale du moment, pas seulement du rock, mais de tous les styles musicaux. Les séquences pop sont filmées live (Joan Baez à San Francisco), malgré le peu de moyens financiers. "Il s'agit de saisir la musique et non pas de la fabriquer ou de la reconstituer(...) Cela nous permet d'ailleurs d'avoir une audience plus étendue et d'intéresser au pop un public qui de lui-même n'est pas porté vers le pop, mais qui l'écoute au milieu des autres actualités(...)".[3]
Titrant sur la "dernière affiche du monde", Pop music annonce dix jours à l'avance la fin du magazine [4]: "(...) C'est une des grandes émissions pop de la télévision qui s'éteint : en effet "L'Affiche du Monde" faisait une large place à notre musique préférée.(...) Regrettons que la direction de notre office national n'ait rien fait, bien au contraire, pour arranger les choses, puisque pour cette ultime réalisation aucune facilité de travail n'a été accordée aux auteurs".
[1] Mémoires de rock et de folk, Paris, Mentha, 1992, p. 58. On retrouve la séquence avec les Mothers sur le DVD Hair-Let The Sun Shine In.
[2] Best, op. cit.
[3] Best, op. cit.
[4] 21 janvier 1971
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